L'imaginaire du feu dans les sociétés sénégambiennes




La Sénégambie est un vaste étendu situé entre le bassin du fleuve Sénégal et le fleuve Gambie. Elle fut le pays de rencontres et de dispersion c'est-à-dire le pays où on trouve à la fois l’influence du Soudan Occidental avec l’empire du Mali, et celle du Sahara avec le commerce transsaharien. Avec une diversité du peuplement composé de plusieurs types d’ethnies tout ayant en commun l’utilisation du feu. La définition de ce dernier est associée à plusieurs significations. Nous abordons dans le même sens que Renaud Lieberherr qui définit le feu comme « un amas de combustion dégageant de la chaleur » [1]. Depuis l’apparition  du feu jusqu'à nos jours elle constitue une découverte incontournable qui créa un bouleversement psychique  de l’homme qui cesse de redouter pour le maitriser tout en essayant de l’intégrer dans son univers en lui donnant diverses utilités , significations et symboles sur les contextes historiques , sociales et culturels.
 
origine du feu
L’origine du feu a fait l’objet de plusieurs débats entre les chercheurs. Les premiers indices de domestication du feu sont apparus dans divers sites de diverses périodes  durant lesquelles on remarquera l’utilisation du feu dans certaines entités. Si d’aucuns pensent que la maitrise du feu remonte de l’époque Sinanthrope c'est-à-dire il y’a un millions d’années, les découvertes des archéologues affirment que la maitrise s’est fait tardivement vers deux millions d’années. Le feu était déjà représenté dans les gravures sur lesquelles les premiers hommes peignaient leur vécu quotidien et les objets qu’ils utilisaient. On attribut à l’homo Habilis l’invention du feu. Ces premiers hominides obtenaient le feu à partir de deux silex. D’après le mythe de Prométhée le feu est d’origine divin, il émane de Dieu. Le feu est assigné à une multitude de changement tant du point psychique que de la vie quotidienne. Le feu fut la première grande force utilisée par l’homme. Pendant la préhistoire, le feu était utilisé comme arme pour se protéger des grands mammifères mais également comme un élément incontournable pour faire la chasse et une source de lumière. Elle favorisa la cohésion social qui finira par le développement du langage et l’homme va se différencié petit à petit de l’animal. Ainsi l’homme devient maitre du feu et adopte certains méthodes et il utilisera le feu pour faire cuire les aliments, la cuisson des figurines en argile, la transformation de l’ocres. Dans les pays ou il fait extrêmement frais comme chez les Eskimos il sera utilisait pour lutter contre le froid. Pendant l’époque historique le feu sera considéré comme une puissance permettant aux grands dignitaires d’obtenir des terres. Nous pouvons noter que l’origine feu a suscité beaucoup de controverse chez les chercheurs mais force est de reconnaitre qu’elle est un élément incontournable dans la vie de l’homme.
Symbolisme et différentes connotations du feu dans l’imaginaire sénégambien
Le feu est un élément fondamental dans la vie de l’être humain. Il présente « un caractère universel »[2]. En dehors de ces fonctions utilitaires (cuir, chauffé et la lumière), elle présente des caractères symboliques et sacrés. En Sénégambie avec la diversité culturelle et ethnique nous savons que le feu a été et restera un élément intégrateur des liens sociaux. Étant lié par l’utilisation du feu mais avec une connotation différente dans chaque entité. Dans le Fouta Toro, les dia ogo appelés caste des forgerons considèrent le feu comme un élément incontournable dans leur vie car tout est basé sur le feu. Pour faire la fonte des métaux un ensemble de libations et d’offrandes est fait au début, au milieu et à la fin du processus. La plupart des offrandes c’est un coq rouge qui est égorgé cela, en vue d’exorciser le mauvais sort et demander l’aide aux génies protecteur. Du début jusqu'à la fin du processus aucune femme n’est autorisé sur le site et aucun homme ayant entretenu des rapports sexuel n’est autorisé sur les lieux on constate surtout cela chez les Dogon et le téléfilm « inagina » en est une parfaite illustration. En milieu  Sérère, une fois qu’on allume le feu une femme enceinte ne doit, en aucun cas le traverser sinon l’enfant qu’elle mettra au Monde pourrait devenir un sorcier , en plus  lorsque le feu est allumé au milieu de la nuit cela explique  qu’un sorcier est entrain de se métamorphoser. ans la plupart des familles mandingues, une fois le crépuscule arrivé personne ne doit  faire sortir du feu dans la concession parce que ce n’est pas bon pour le chef de ménage .Dans ce sens, Renaud Lieberherr dit à juste titre qu’il est « interdit à certains moment de prêter des braises provenant du feu familial  »[3]. Dans le site d’orpaillage de Tenkoto situé dans la région de Kédougou, le feu est tellement symbolique qu’il est interdit de l’allumer à 11h du matin. Partout dans le village, il est conseiller à tout la population de préparer le repas avant onze heures si toutefois un incendie est déclenché personne ne doit éteindre  ce feu même si y’avait une personne qui s’y trouvait, elle brulera. La lecture qui est derrière cet état de fait est que les génies protecteurs qui assurent le diouras (site d’orpaillage traditionnel) pour qu’il est de l’or sa puissance repose en grande partie sur le feu et la souillure. Dans notre famille, avec l’aide du feu certaines maladies sont guéris en utilisant l’encens avec des écorces, la fumé qui va se dégager de ce feu est un élément qui permet de chasser les mauvais esprits. Même si on note des soupçons sur un individu si on allume ce feu et que c’est un mal intentionné il quittera immédiatement les lieux. Ainsi nous pouvons noter chez les sociétés endogames comme les potiers et les forgerons une autre image du feu qui nous permettra de connaitre les liens étroits que ces peuples entretiennent avec le feu. Dans la commune de Salemata plus précisément chez les bassari, le feu symbolise la purification et la vie. Lors de la grande initiation à Etiolo, [4]chez les Bassari communément appelé ‘’Nitsi un feu est allumé dans la case commune appelé ‘ambofor  pendant toute la durée de l’initiation ce feu ne sera éteint dans aucun cas et cela peut même dépasser la durée des initiations[5]. Cela a comme sens de purifier tout en apportant la lumière et la vie des initiés. Lors de la chaine opératoire le feu joue un rôle très important car permettant de cuire les pots et cela n’était possible qu’avec l’usage du feu. Dans un de ses livre,  Madiombé Thiam[6] affirme que lors de la cuisson de ces pots , le lit qui devrait abrité le feu est chargé de paille et d’excrément d’animaux cela symbolisera  la protection contre les mauvaise langue et  qui évitera que les pots n’explosent  pas au moment de la cuisson. C’est la raison pour laquelle la cuisson au feu est une phase très importante de la chaine opératoire c’est la phase final. Cependant il faut savoir que cet étape n’est pas donné a n’importe qui, il faut des gens aguerrit pure mystiquement.  Aussi il est très important de savoir qu’ une femme ayant fait de rapport sexuel était interdite d’être à la séance de cuisson  ni une jeune fille d’assister car elle n’a pas les prédispositions mystiques qu’il faut pour s’approcher du feu. Si nous revenons un peu en arrière la puissance de la quasi-totalité des empires du soudan occidental repose pour la plupart sur le feu. Comme les forgerons du Soussou avec Soumaoro kanté qui était invincible un moment donné à cause de ces pouvoirs mystiques qui reposaient surtout sur le feu. Les chamanes qui ne sont rien d’autres que « des magiciens, médecins du cœur et de l’âme » d’après Renaud Liebererr sa puissance qu’il obtenait dans la prière et le jeune était tellement énorme qu’il marchait sur des braises ou du charbon très ardent. Ce qui se cache dernière cet état d’esprit est que le feu joue ici un rôle mystique permettant aux chamanes d’être en relation direct avec les dieux. Il est le représentant de dieux sur terre, le seul à pouvoir communiquer avec les dieux et entrer dans les secrets et revenir le communiquer aux peuples sur terre.
Études de quelques ethniques particulières
Le feu est un élément central dans la vie partout dans le monde elle est utilisée. Cependant il ya des ethnies qui sont en contact direct avec le feu sans lequel leur vie n’aura pas de sens. Cette première force utilisé par l’homme, à permit à ce dernier de se différencier petit à petit de l’animal. Ces ethnies qui travaillent exclusivement avec le feu sont appelés les peuples endogames il s’’agit de la caste des forgerons et des potières. Les forgerons sont une caste endogame le plus ce métier est réservé a une classe inferieur de la société. Ils sont des ouvriers ou des artisans qui forgent avec la main le métal pour en faire des Object. Depuis son apparition 5000 AV JC mais une évolution dans leur travail car ils utilisaient du charbon de bois pour le forgeage mais pendant le moyen âge il se sert de l’enclume et un marteau le feu est entretenu par soufflerie connectée à une tuyère.   Ces gens de caste communément appelé des forgerons sont le principal détenteur du savoir religieux. Chez les wolofs d’après les historiens comme Yoro Diao, Cheikh Anta Diop, Aboubacry Moussa Lam affirment qu’ils viennent de la vallée du Nil. Reparti en plusieurs familles à savoir les griots et autres. Les forgerons sont appelées les  ‘’teugg ‘’[7]ou balla maissa, ils sont très liés aux geer qui les remettaient leurs leurs bijoux et fabriquer leurs armes de guerre. Dans le milieu Halpular ceux qui font de la forge sont nommés les Wayloubé. Dans le pays bassari les Samoura sont ceux qui exercent le plus souvent le métier de forgeron donc maitre du feu. Les noms de familles qui sont le plus souvent des forgerons : les kanté les Thiam ,les Samoura, Mbow etc. Apres  les forgerons nous pouvons évoquée la poterie qui est devenu l’apanage des femmes de la Casamance, du pays bassarie (bedik et Bassari). Dans ce métier le feu intervient lors de la dernière phase c'est-à-dire la cuisson Madiombé Thiam dit que « les premières poteries au néolithique ont une température de cuisson avoisinant  500 à 600degres »[8] . Seni Camara une potière de renommé qui faisait des représentations extraordinaire mi homme –mi animal qui derrière ces images ce cachent un symbole, une autre réalité. Ces deux castes vivent en parfaite harmonie car un forgeron peut épouser une potière vice versa. En somme nous dirons que les ethnies en relation directe avec le feu sont les castes des forgerons et des potiers. Dans ces castes de la Sénégambie nous avons les Halpular , les Malinkés ,les Diolas 

Conception du feu dans les religions
Dans le jargon musulman le feu a une autre signification « jahanam ». L’enfer est un endroit réel que Dieu a crée pour les mécréants qui ne l’ont pas obéit et ces lois mise sur pieds il est dans le coran verset 72 :23 « quiconque désobéit à Dieu et à son messager aura le feu de l’enfer comme séjour ternel ». Ce feu si immense dont le combustible est composé d’hommes, de pierres de gros serpent. C’est un feu tellement intense que les âmes qui s’y trouveront perdront la tête et demanderont aux dix neuf gardiens de l’enfer .ce feu les flammes sont ardente avec une intensité atroce qui brise et écrase tout. Le châtiment de l’enfer varie selon les péchés et donc l’intensité du feu dépend de la gravité. Ceux qui iront a l’enfer seront dans un désespoir éternel et donneront tout ce qui a de plus cher pour en sortir mais hélas.

Dans la croyance chrétienne le feu conduit à la mort effective puis la résurrection. Dans Marc IX verset 43 le Christ affirme que l’enfer est un feu qui ne s’estompera jamais. Le feu de l’enfer est décrit comme un étang de feu ou les mécréants seront torturés jours comme la nuit chapitre XX de l’apocalypse. Dans la conception chrétienne le feu allumé le jour de Pentecôte symbolise  la décente de l’esprit sain sur les Apôtres alors que le feu de Pâques signifie la résurrection du Christ le 3eme jour de sa mort. Cependant,  le feu de l’enfer est un endroit très sombre, obscure mais généralement purificateur car c’est dans ce lieu précis qu’on brule et anéantira le péché, le martyr  meurt avec le feu «  jésus soigne une malade mental incurable en la brulant dans un four »[9]. En somme, nous pouvons dire que le feu dans l’enfer chrétien symbolise l’intermédiation et la purification.

CONCLUSION
Au terme de cette interrogation poussée sur l’imaginaire du feu dans l’espace sénégambien, nous avons vu que cet élément est indispensable à la vie de l’homme. Nous avons cherché ses origines même si il a suscité diverses débats entres les chercheurs, puis nous nous sommes intéressé au symbolisme des différentes connotations du feu qui nous a permis d’avoir une vue claire sur, ensuite on a essayé de voir le feu dans les différentes ethnies de cette contrée géographique, avant de terminer par la conception de cette chose chez les religions révélées, notamment l’Islam et le Christianisme. On peut affirmer sans risque d’être démenti qu’en Sénégambie, le feu était dans tous les domaines et sa maitrise montre son ancienneté dans ce pays.


[1]  Lieberher R., Le feu domestiqué, usage et pratique dans l’architecture mondiale, Paris, UNESCO, 2006, 156 pages.
[2]  Lieberheer  R., op., cit., p.117.
[3]  Lieberheer R., op., cit., p.120.
[4] Village  de la commune de salemata lieu ou se fait l’initiation
[5]  Mot bassari l’initiation en bassari
[6]  Thiam M., Bassari et Bédik du Sénégal oriental ,article du groupe national de travail,ifan CAD ,2010 ,p-67-84
Nitsi : ceremonie d’initiation en pays bassari
Tenkoto : village situé à quelques kilometres de kedougou
[7]  Diouf M. « essai sur l’histoire du Saaloum » in Revue sénégalaise d’histoie, 2, 1, 1981, 25-37.
[8]  Thiam, M., La céramique dans l’espace sénégambien, un patrimoine méconnu,Paris ,etudes africaines,l’harmattan,2010 ,2010 ,216pages
[9]  Lieberheer R., op., cit., p.27.